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Affaire Tefal : la condamnation de l’inspectrice du travail est annulée, l’affaire sera rejugée

Par un arrêt du 17 octobre 2018, la Cour de cassation a annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry rendu en 2016 qui, dans « l’affaire Tefal », avait condamné l’inspectrice du travail à 3 500 € d’amende avec sursis pour recel de correspondances électroniques et de données internes à l’entreprise et violation du secret professionnel.

Rappel des faits à l’origine de la condamnation de l’inspectrice du travail

Pour mémoire, dans cette affaire, qui a débuté en octobre 2013, une inspectrice du travail avait reçu d’un salarié de la société Tefal des documents confidentiels laissant entendre que la direction de l’entreprise exerçait des pressions sur elle par l’intermédiaire de son supérieur.

L’inspectrice du travail avait alors envoyé ces documents au Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), une instance consultative chargée de veiller sur l’impartialité des agents de son administration, car à cette époque elle s’estimait victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, en vue d’entraver sa mission de contrôle de la société Tefal.

L’inspectrice du travail avait aussi transmis ces documents à plusieurs organisations syndicales, lesquels avaient ensuite « fuités » sur Internet et dans la presse.

À la suite d’une plainte déposée par la société Tefal, l’inspectrice du travail avait été condamnée par le tribunal correctionnel d’Annecy en décembre 2015, puis par la Cour d’appel de Chambéry en novembre 2016 pour recel de correspondances électroniques et de données internes à l’entreprise et violation du secret professionnel.

Un nouveau jugement à venir au regard du statut de lanceur d’alerte créé par la loi Sapin 2

Face à cette condamnation par la cour d’appel, l’inspectrice du travail s’est pourvue en cassation.

Dans son argumentation contre sa condamnation, l’inspectrice du travail a invoqué l'application de la loi Sapin 2, qui a institué un statut du lanceur d’alerte et lui garantit une protection de par son irresponsabilité pénale (loi 2016-1691 du 9 décembre 2016, JO du 10).

Cette loi prévoit que n'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d'alerte (c. pén. art. 122-9).

Bien que la loi ait été publiée en décembre 2016, soit bien après les faits et après l’arrêt rendu par la cour d’appel, il existe un principe de droit pénal qui admet qu’une nouvelle loi peut s’appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée, dès lors qu’elle est moins sévère (c. pén. art. 112-1).

Ainsi, considérant que la situation de l’inspectrice du travail n’avait pas été examinée au regard de la loi Sapin 2 qui prévoit, sous certaines conditions, l’irresponsabilité pénale de la personne en cas d’atteinte à un secret protégé par la loi, la Cour de cassation a estimé, dans son arrêt du 17 octobre 2018, que l’affaire devait être rejugée à l’aune de cette loi.

Les nouveaux juges d’appel devront donc vérifier que l’inspectrice du travail remplit les conditions d’application du statut et de la protection du lanceur d’alerte posées par la loi Sapin 2 pour décider ou non de son irresponsabilité pénale.

Cass. crim. 17 octobre 2018, n° 17-80485 D

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